4 janvier 2024

Postface

"Il y a longtemps déjà. J’avais entrepris d’écrire. Facile ! Pensai-je. J’avais tant à raconter. Mais à qui ?"

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Postface

Il y a longtemps déjà. J’avais entrepris d’écrire. Facile ! Pensai-je. J’avais tant à raconter. Mais à qui ?  Ceux à qui je voulais me confier, ne tenaient pas sur les doigts de mes deux mains. Demain, justement. J’ai toujours remis au lendemain. A chaque fois, ce devait être la bonne et j’ai de nombreux cahiers entamés qui peuvent se regrouper sous le titre “Aller jusqu’au bout !”

J’ai tenté les confessions rousseauistes, le polar de province, le roman historique, l’autobiographie. Chaque genre est resté dans sa chrysalide. Je ne savais pas écrire longtemps. Juste le temps de calmer une angoisse en parlant au néant de la page blanche. Une page en blouse blanche, Thérapeutique.

Si ce contenu manifeste pouvait me satisfaire en tant que seul lecteur, je pouvais donc me libérer des contraintes académiques dont j’ai été un bien piètre prescripteur. Admirateur depuis très longtemps des surréalistes et particulièrement d’André Breton, je me suis autorisé à écrire selon l’automatisme mis en fonctionnement dans mon esprit, selon les chemins empruntés, lors de ces marches obligatoires que la médecine préconise sous peine de mort atroce.

Je n’aurais pas pu écrire une thèse de doctorat sur le surréalisme, bien que je croie en avoir eu la matière et la compréhension, car ce travail titanesque n’aurait servi à personne. J’ai trop cru au prestige du diplôme parce que j’ai été un usurpateur et que j’ai cessé de l’être en prenant ma retraite. Et dans l’univers surréaliste, cette réalité n’effleure jamais la surface d’un rond dans l’eau chanté par une carpe méridienne. Quel temps a-t-il fallu pour se libérer ! Une vie presque entière, comme un croissant de lune brillante, une jeunesse mangée par des hannetons roses.

Mais cette vie a-t-elle existé ? Je pourrais convoquer Descartes et lui demander la preuve de mon existence, il n’y pourra répondre car il ne peut rien dire de mes pensées. Ici et maintenant, est-ce que je pense ? Les mots se poursuivent, résonnent et tentent une harmonieuse symphonie bien que la cacophonie chevauche toujours un cerf qui brame d’amour.

L’amour. L’amour fou. Tout son possible et toute sa vanité. Le visage est posé sur mon berceau et de mes mains potelées je tâche de saisir le nez aquilin de la fée. Un alizé parfumé de jasmin souffle sur mes doigts et levant mes yeux de grenouille, diamants verts et jades orange, je vois les deux caravelles de son regard fuyant vers les colonies. Je ne l’oublierai jamais ? J’ai un coffre de bois exotique, de teck et de bois rouge, avec des lanières en peau de pangolin dont les écailles ont fait couler le sang framboise de la maraîchère. Elle devait m’apporter la clé. Mais elle se noie dans l’interminable cascade de ses artères cisaillées. A l’intérieur, j’ai les noms de tous ceux que je ne devrais pas oublier.

André Rettig Azoulay

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